À la manière de Cyrano
– Vous madame,
– Oui
– Vous… Vous êtes un écriveron
– Ah non ! C’est un peu court jeune homme
On pouvait dire Oh Dieu bien des choses en somme
En variant le ton – par exemple tenez
Agressif : « ça madame si c’était un métier
Je renierai mon fils, s’il fallait qu’il le fasse »
Amical : « pas toujours facile de faire sa place
Vos mots sont pour les autres, votre œuvre vous échappe »
Descriptif : « tu blablates ! tu papotes ! tu t’l’a tapes !
Que dis-je tu t’la tapes ?… Tu veux faire des émules ! »
Curieux : et comment trouvez-vous la formule ?
Vous faut-il réfléchir pour aligner des mots ? »
Gracieux : « vos épices sont des a, des e ou bien des o
Elles parfument vos écrits mieux que des aromates
Mais la saveur finale est parfois moins que plate »
Truculent : « Ca madame ! Lorsque vous écrivez
Votre stylo fuit-il devant vos drôles d’idées
Et vos mains s’en retrouvent alors toutes tachées ? »
Prévenant : « Gardez-vous votre main entraînée
D’écrir’ quelqu’ineptie… qu’on vous prenne pour folle ! »
Tendre : « une femme de lettres ! Tout un symbole !
Je vous souhaite du courage et sur facebook, des fans ! »
Pédant : « Vous êtes de la caste des Brahmane
Pour prétendre posséder un intellect véloce,
En sanskrit dans le texte, et vaste tel le cosmos ! »
Cavalier : « Quoi, l’amie, le mot est à mode ?
Et pour vendre les tiens, as-tu une méthode ? »
Emphatique : « Chiffres et tableaux te font-ils mal ?
Te brises-tu sous le poids du très grand capital ? »
Dramatique : « Sur son humeur seuls les mots règnent »
Admiratif : « Un coup d’effaceur et tout baigne ! »
Lyrique : « Êtes-vous une exclamation ? »
Naïf : « Vous vivez de vos élucubrations ? »
Respectueux : « Souffrez, madame, qu’on vous salue
Ecrire pour autrui… Quelle idée ? Qui l’eut eue ?
Campagnard : « Hé ! Voyez ! C’est-y un métier ? Nain !
C’est queuqu’délire de femme, ou ben de Parisien !
Militaire : « Servez au moins votre patrie ! »
Pratique : « Il suffit d’acheter les bonnes appli
Le Robert, le Littré, vous avez tous les mots ! »
Enfin, parodiant Pyrame en un sanglot :
« Les voilà donc ces mots qui vous ont fait connaître
A vous même, riez ! Ils vous quittent bien en traître ! »
—Voilà ce qu’à peu près, mon cher, vous m’auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d’esprit :
Mais d’esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n’en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n’avez que les trois qui forment le mot : sot !
Eussiez-vous eu, d’ailleurs, l’invention qu’il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
Me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n’en eussiez pas articulé le quart
De la moitié du commencement d’une, car
Un écriveron a bien assez de verve
Mais ne permet jamais qu’un autre les lui serve.